La construction, l’architecture, la ville et ses dynamismes de productions sont des bases de recherche que j’investis régulièrement par des collectes d’objets. Ces dernières témoignent d’un usage, d’un contexte, d’un temps, et sont à concevoir comme des lieux qui concèdent et aménagent des espaces. Cette archéologie expérimentale est devenue une quête nécessaire, intégrée à une pratique artistique qui privilégie le contact vivant avec le quotidien. De l’objet à la relation, en passant par la décomposition des espaces ; la confrontation physique avec le paysage et ses résidus est un moyen de renouer à la fois avec moi-même mais aussi avec mon environnement.
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« De la sélection méthodique, aux contractions, torsions, frottements et compressions, nous retrouvons toute une série de gestes sculpturaux que ce paysage accidenté réceptionne de façon discontinue. L’artiste décide d’entrelacer les aspérités des objets, leurs vides et leurs pleins, ou simplement de laisser agir le passage du temps sur la matière. Il s’agit d’un fragment d’un processus qui commence lors des marches, pendant lesquelles l’artiste arpente les lieux urbains et naturels, privés et publics. […]
«L’artiste constitue un système d’objets et de fragments qui sont désormais à l’écart des logiques de consommation. Leur matière est sublimée en passant sous l’égide d’une nouvelle économie, générée par leur valeur d’exposition. Camille Tan s’adonne donc à collectionner ces artefacts que l’on ne désire plus, mais qui le fascinent. Sa démarche témoigne d’une curiosité, un wonder qui côtoie l’arpentage, le wander. […]
C’est là que s’ajoute à la « conscience de la boue », une conscience de la ruine, comme forme de l’impermanence de l’architecture et comme figure du passage du temps. Une partie de la pratique de Camille Tan relève de cette conscience. Dans d’autres oeuvres réalisées, la ruine est évoquée en tant que représentation de la fragilité et des paradoxes urbanistiques. […]
Une exploration qui s’attache tant aux environnements qu’à l’imagerie qui constituent le paysage urbain, fondé sur le principe d’impermanence de toute construction. On y trouve la complexité d’un paysage où l’usure, la ruine et les altérations s’offrent à nous comme formes curieuses et impermanentes du quotidien. »
PROMENADE PITTORESQUE DANS UN JARDIN IMPERMANENT
TEXTE. MICHELA SACCHETTO, 2015
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Investir ou délimiter un territoire engendre la fabrication de ‘marqueurs d’occupation’; cavités, parois, cloisons, murets, barricades ou grillages contiennent des espaces, tracent des lignes sensibles et fragiles. Leur simple présence annonce déjà l’apparition d’une faille, d’une future ruine. L’enveloppe du corps humain, au fil du temps, s’use ; les objets aussi. Dans mon travail, la matière est contrainte tout comme le corps, dans l’action et la fabrication, est mis à l’épreuve. Il est alors souvent question de bâtir des tensions, des ambiguïtés, de jouer avec les forces et d’amener parfois la matière à provoquer sa propre rupture.
La trace, les procédés de fabrication, les accidents ; chaque hasard importe. Des objets banals, des matériaux quotidiens neufs ou extraits de leur contextes initiaux dévoilent la réalité d’un monde qui change, s’effrite puis se reconstruit mais aussi un monde qui abandonne, jette et rachète continuellement. On pourrait parler d’abandon programmé ou d’obsolescence, notions au cœur d’une société actuelle nécessitant de ré-examiner le système de conception et de production d’un objet. Ma démarche vient repenser la relation entre la sculpture, l’espace, le temps et l’action, en interrogeant le vécu mais aussi le devenir de ces objets. Ces expériences révèlent une certaine tentative de ‘maîtriser l’entropie’. Je cherche souvent à déjouer le temps en modifiant le stade de vie des objets, en altérant leurs états. Ralentir le processus d’érosion en figeant l’éphémère, ou encore l’accélérer, en aggravant la dégradation. L’idée étant de mettre en valeur leurs structures réelles et leurs propriétés à travers des propositions sculpturales et des installations qui interrogent leurs possibilités, leurs plasticités.